2024 / 11 / 15
Dans le contexte actuel de crise du financement du transport collectif à Montréal, je présente dans cet article ma vision de l'avenir du transport en commun. Cette vision repose sur quatre priorités : un financement stable et durable pour assurer le développement et la maintenance du réseau, l’amélioration continue du réseau existant, l’expansion des infrastructures de transport en commun structurant pour desservir les quartiers denses mal connectés et l’optimisation du réseau de bus pour une meilleure interconnexion avec ces infrastructures.
Selon moi, la priorité est l’obtention d’un financement stable et durable, tant pour le développement du réseau de transport collectif que pour le maintien des actifs. Comme la STM le démontre déjà, l’immobilier pourrait devenir une source de revenus significative, notamment avec les prolongements de métro comme celui de la ligne bleue. En complément, l’instauration d’une taxe kilométrique, l’indexation de la taxe sur l’essence et des frais d’immatriculation à l’inflation seraient aussi de bons moyens pour diversifier les revenus de la société. En effet, ces taxes qui sont collectées par la Ville de Montréal, la CMM et le gouvernement du Québec pourraient être versées aux agences de transport.
Une stratégie pertinente serait aussi de mobiliser des capitaux pour moderniser les systèmes informatiques des OPTC. Ce type d’investissement pourrait engendrer des économies substantielles, permettant de rediriger ces fonds vers d’autres priorités stratégiques, comme j’en discuterai dans les sections suivantes.
Plusieurs mesures à coûts raisonnables pourraient être mises en place pour optimiser le réseau de métro. D’abord, l’installation de portes palières, avec un objectif à long terme d’en installer sur l’ensemble du réseau, renforcerait considérablement la résilience du service. Par exemple, la ligne bleue sera modernisée avec le système CBTC dans le cadre du prolongement vers Anjou. En obtenant du financement pour l’ajout de portes palières sur l’ensemble des stations de cette ligne, nous poserions les bases pour une future automatisation, ce qui permettrait de réduire les coûts d’exploitation et d’améliorer la qualité du service.
En effet, une automatisation au grade 3 (GoA3 — conduite entièrement autonome avec la présence d’un agent à bord du train), ou encore, l’installation de portes palières sur les sections plus problématiques, résulterait en une meilleure résilience du service, une réduction des interruptions et par conséquent, une diminution du recours aux chauffeurs d’autobus en urgence et d’autobus supplémentaires pour le service de relève.
En allant encore plus loin, une automatisation de grade 4 (GoA4 — conduite autonome sans la présence d’agent à bord, à l’instar du REM) contribuerait à réduire les coûts reliés aux opérateurs de trains tout en offrant les mêmes avantages de fiabilité que l’automatisation GoA3. À noter que ce niveau d’automatisation retirant les opérateurs à bord des trains impliquerait certainement davantage d’enjeux en lien avec les conventions collectives de la STM qu’un niveau d’automatisation inférieur. Par contre, je vois plutôt ce projet comme une réallocation des ressources pour financer d’autres postes comme des opérateurs aux centres de contrôle des trains, ou même des agents de sécurité afin de renforcer le sentiment de sécurité des usagers dans le métro.
Par ailleurs, je suis convaincu que la dématérialisation de la carte OPUS améliorerait grandement la mobilité au sein de la CMM. Ce type d’amélioration rendrait les transports en commun plus accessibles à la population, que ce soit pour les nouveaux arrivants ou pour des usagers occasionnels du transport en commun, et plus attrayant pour tous les habitants de la grande région de Montréal.
Outre ces mesures technologiques, ma vision du réseau de métro serait de prioriser de courts prolongements. Par exemple, une extension de la ligne orange vers la station du REM à Bois-Franc, et une extension des lignes verte et bleue vers une nouvelle station intermodale à l’intersection Sherbrooke Est et De Contrecœur. Ces courts prolongements permettraient à la STM de conserver une expertise en construction de métro tout en améliorant le maillage du réseau.
Un volet essentiel de ma vision du transport collectif à Montréal est l’expansion du réseau de transport structurant. Tout prolongement du métro ou implantation de nouveaux modes devrait avoir un modèle de financement solide tant pour la construction que pour l’exploitation et la maintenance. Le choix du bon mode de transport pour le projet s’avère également important pour les futurs développements du réseau, tout comme l’accessibilité universelle.
Un exemple intéressant en lien avec mon expertise concerne la saga du REM de l’Est, aujourd’hui le Projet Structurant de L’Est (PSE). Au départ, CDPQ Infra proposait deux antennes : une reliant Montréal-Nord à la Gare Centrale, et une autre reliant Pointe-Aux-Trembles à la Gare Centrale, les deux antennes partageant un tronçon commun de Viauville jusqu’au Centre-Ville. Le manque d’acceptabilité sociale du projet a fait en sorte qu’aujourd’hui, le projet proposé est un tramway au sol, mieux intégré au tissu urbain du quartier, mais sans lien direct vers le Centre-Ville. Selon moi, nous devrions garder le projet original pour les sections ne posant pas de problèmes d’acceptabilité sociale, puisque le métro léger offre une fréquence accrue et des coûts d’exploitation moindre. En effet, les projets actuels mettent beaucoup trop l’emphase sur les coûts de construction en omettant l’importance des coûts d’exploitation sur une période de plusieurs années. Le secteur posant problème étant situé sur l’antenne de Pointe-Aux-Trembles, le projet final ne comporterait qu’une ligne de métro léger automatisé reliant Montréal-Nord au Centre-Ville.
Pour l’antenne Est vers Pointe-Aux-Trembles, je crois qu’il serait pertinent d’explorer la faisabilité d’implanter un tramway automatisé dans une phase subséquente. Bien que cette technologie ne soit pas encore éprouvée, elle présente un potentiel d’économie et d’efficacité. En effet, je pense que la STM aurait intérêt à s’intéresser davantage à ces technologies émergentes, comme les tramways automatiques de Siemens.
Pour optimiser le réseau de bus, je propose de diviser les améliorations en trois volets : les lignes fréquentes, les lignes locales et les avancées technologiques.
Pour accroître l’efficacité, et donc l’achalandage, des lignes fréquentes, nous devrions étudier la mise en place de voies réservées permanentes sur les segments critiques. Nous devrions également évaluer l’impact du retrait de quelques arrêts pour obtenir un espacement moyen des arrêts plus grand, et ainsi atteindre une vitesse commerciale plus élevée. Avec une vitesse commerciale plus grande et un meilleur temps de parcours, le service aux usagers serait plus rapide et plus fiable.
Les lignes locales pourraient servir de rabattement vers les modes lourds pouvant être automatisés. Cette stratégie permettrait de rationaliser les opérations tout en maintenant un bon niveau de desserte dans les quartiers résidentiels.
Enfin, sur le plan technologique, l’implantation de feux de circulation intelligents avec une priorisation pour les autobus pourrait aider à améliorer le service des lignes empruntant des rues achalandées. Cela se solderait par une meilleure vitesse commerciale et une meilleure résilience du service, et par conséquent un meilleur service aux usagers.